Interventions des participants
Yves-Marie Abraham
En vue de la discussion du 30 avril, je propose le visionnement de deux conférences de 25 minutes chacune, dans lesquelles j’aborde les questions sur lesquelles Guillaume Blum m’a invité à intervenir. J’invite les participants à les visionner dans l’ordre suivant :
Résumé : présentation et discussion des principaux arguments développés par l’économie orthodoxe en faveur de l’idée selon laquelle il serait possible de générer une « croissance verte », c’est-à-dire un découplage entre l’augmentation de la production de marchandises et l’usage de ce que l’on appelle les « ressources naturelles ». Je tente de montrer pourquoi un tel découplage n’a jamais été réalisé et ne le sera très probablement jamais; en tout cas jamais assez rapidement pour éviter l’aggravation de la catastrophe écologique en cours.
Résumé : il est hasardeux et dangereux de parler de « transition écologique » et de « transformation sociale » sans répondre au préalable à deux questions fondamentales : dans quel monde vivons-nous ? De quel monde voulons-nous ? Je soutiens ici, à la suite d’Andreu Solé, que nous vivons dans un monde conçu par et pour l’entreprise, ce qui s’avère à la fois destructeur, injuste et aliénant. Et je propose de sortir de ce monde en prenant appui principalement sur l’institution des communs.
Alexandre Monnin
Résumé : Dans cette intervention, nous posons, en plus de la question « où atterrir ? » de Bruno Latour, deux autres questions : « quand ? » et « comment atterrir ? ». Dans un premier temps, nous présentons rapidement les enjeux de l’atterrissage et de l’Anthropocène telle qu’ils a ont été conceptualisés par B. Latour dans Où Atterrir (2017). À l’attracteur de la Terre, nous ajoutons cependant un nouvel attracteur, « Terre -« , la Terre sur laquelle les infrastructures du Globe au sens large (la Technosphère) se sont crashés. En découle un double impératif : apprendre à vivre sur Terre autrement tout en héritant d’infrastructures dont nous sommes dépendants pour notre survie. La question « quand atterrir ? » interroge quant à elle la capacité à agir dans le temps que nous vivons, assimilé au temps de la fin qu’évoque Giorgio Agamben en référence à Saint Paul (Le temps qui reste). Un temps compressé et paradoxal qui bouleverse les repères de l’action humaine et remet en cause l’efficace des techniques. La question « comment atterrir ? » déplace la focale vers le « monde organisé » et ses infrastructures. Nous en présentons rapidement les enjeux avant d’en venir aux propositions portées au sein de l’initiative Closing Worlds et du Master of Science « Stratégie et Design pour l’Anthropocène » pour en hériter sur le mode de la fermeture, de la redirection ou encore de la désaffectation / réaffectation. Enfin, nous détaillons pour terminer l’une de nos propositions qui porte sur le design des communs négatifs.
Diego Landivar
Ma communication va s’atteler à une mise en pratique de ce que pourrait être un design de la fermeture en suivant les préceptes de la redirection écologique.
En introduction je reviens sur un certain nombre d’axiomes préalables permettant de définir la redirection écologique et sa pertinence pour penser l’action politique et stratégique dans un contexte d’anthropocène.
- Le premier exercice est un exercice de REVERSE DESIGN. Il vise à montrer (grâce à une torsion de la thèorie de l’acteur réseau) comment le design de la fermeture peut intervenir de manière managériale et ingénieuriale pour destaurer, démanteler, déscalariser, désassembler, désinnover, désincuber, détricoter, détacher, disloquer les infrastructures, organisations et institutions du capitalisme hors sol.
- Le deuxième consiste à penser le design de protocoles de renoncements. Comment accompagner les collectifs extractivistes et non extractivistes (mais liés/attachés aux premiers) dans des processus de choix/arbitrages de ce à quoi il faut renoncer pour sublimer ce à quoi on tiens et ce qui nous fait tenir. Nous évoquerons la question du renoncement stratégique et des conditions/conséquences politiques et opérationnelles associées.
- Le troisième exercice est cosmologique : comment penser une nouvelle cosmologie du design à durée et spatialité limitée. Un non-design débarrassé de son élan conquistador, à la fois décolonial et réencastré dans une peur, (sainement) tétanisante et paralysante.
Emmanuel Bonnet
Mon intervention questionne le fond commun au design et au management, qui repose sur un monde fait d’organisations cherchant à résoudre des problèmes insolubles, à « forcer le possible », à multiplier des futurs désirables, et à le rendre habitable en particulier face à des bouleversements écologiques. Ce monde est le monde du projet mais il est aussi une perte du monde pris dans sa pluralité. C’est un monde restreint dont les humains deviennent les principaux organisateurs et designers. L’Anthropocène remet en question ces présupposés et nous demande de nous dessaisir des clichés qu’ils engendrent. Il s’agit d’associer le design à une proposition alternative : dé-projeter le monde pour appréhender l’avenir du design dans l’Anthropocène.